Malliana-Affreville-El-khemis mon Amour.

Bougara ,une plume subtile.

A une étape du PC, Ahmed Arselane vint à notre rencontre. Il était chargé de presse au niveau de la wilaya IV. Il fit de son mieux pour que cette rencontre, qui allait par la suite se révéler être préméditée, paraisse fortuite.  Nous  passâmes  la nuit en sa compagnie et le lendemain, il vint avec nous au PC où le Colonel Bougara nous attendait.

Plus tard, Ahmed Arselane nous avoua avoir été chargé par le colonel Bougara de nous sonder pour connaître notre réaction à propos de ce qu'il était advenu de la wilaya VI. Le colonel Bougara semblait avoir été embarrassé par notre retour inattendu après six mois d'absence. Nous étions partis, chargés par le colonel Bougara lui-même et par le colonel de la wilaya VI par intérim, Tayeb Djeghlali, de nous renseigner sur la raison de l'annexion de la partie Sud de la wilaya VI par la wilaya 5. Voilà qu'à notre retour, nous trouvions que la partie Nord avait été à son tour annexée à la wilaya IV. Tout au fond de nous mêmes, nous étions écœurés, non pas par le fait accompli, mais par la désinformation et l'indifférence des hauts responsables. Cela ne nous aurait pas avancés à grand chose de connaître les raisons de tout ce chamboulement. Le minimum était qu'on fasse l'effort de nous informer; nous nous étions donnés tant de mal pour aller chercher très loin la réponse à cette question; non seulement, nous sommes revenus bredouilles, mais la situation avait encore évolué, sans pour autant que l'on jugeât utile de nous donner quelques explications. Nous avions la sensation d'avoir été une balle qu'on se renvoie et qu'on laisse tomber, une fois la partie terminée.

Que cette partie du pays porte le nom, ou le numéro d'une wilaya ou d'une autre importait peu pour nous. Notre seule revendication était de savoir à quoi nous en tenir. Quoi qu'il en soit, nous nous fîmes une raison et jugeâmes que cet état de chose obéissait à des considérations qui nous dépassaient. Partant de là, nous n'évoquâmes pas la question lorsque nous rencontrâmes le colonel Bougara. La même partie sud de la wilaya VI trouvait peut-être son compte par son rattachement à la wilaya V et la partie Nord n'était, au moins, plus laissée pour compte de par son annexion à la wilaya IV.

Le Colonel Bougara

Le colonel Bougara, cet homme aux qualités multiples, était un être vraiment exceptionnel. Homme pondéré, franc, rationnel, bon organisateur, meneur d'hommes et vaillant combattant. Il était aussi d'un abord agréable et facile, et d'une simplicité telle qu'on a parfois du mal à le distinguer au milieu des djounoud. Il avait en outre une plume très subtile, et était ouvert à la critique. Ce personnage pieux et entièrement dévoué à la cause nationale était vénéré de tous ses proches qui trouvaient auprès de lui assurance et réconfort.

Originaire d'Afreville (Khemis Mi1iana), Si M'hamed Bougara était issu d'une famille modeste. Né en 1927, il entra à l'école française à l'âge de sept ans et fréquenta parallèlement l'école coranique, et pratiqua le scoutisme aux SMA. A 16 ans, il dût abandonner ses études pour entrer de plain-pied dans la bataille de la vie. En 1946, il adhéra au PPA et en, 1948, il devint membre de l'organisation paramilitaire, l'OS. Ayant terminé ses études au niveau du BEM, il put, grâce au scoutisme, au militantisme et à sa soif de savoir, acquérir une large et double  culture  arabe et française ainsi  qu'une  bonne  base plitique. En 1950, il fut arrêté par la police coloniale et purgea six mois de prison; après quoi, il entra dans la clandestinité. En 1954, il prit part au déclenchement armé dans le maquis algérois, en zone 4. En  1956, il représenta aux côtés de Amar Ouarnrane et Sadek (Dehiles Slimane), le maquis algérois au Congrès de l'a Soummam, au terme duquel il fut nommé commandant politique, membre du nouvel état-major de la wilaya IV. Adjoint au Colonel Ouamrane puis au Colonel Sadek, il devint Colonel, chef de la wilaya IV, en avril 1957. Le Colonel M'hamed Bougara tomba au champ d'honneur à la suite d'un accrochage à Ouled Bouâachra, dans la région de Médéa le 5 mai 1959.

(...) Le colonel Bougara était un homme sensible et attachant. La perte récente (mars 1958) du commandant Lakhdar et celle moins récente de Ali Khodja  l'avaient beaucoup peiné, au point qu'il n'arrivait pas à s'en remettre. Il pleurait encore ces valeureux chahids comme on pleure des fils.

Ahmed Arselane, qui était aussi un poète, avait composé un chanson en arbe à la mémoire de Ali Khodja dont voici le refrain:

"Khodja vous appelle

Répondez à son appel..:"

A chaque fois que le colonel Bougara l'entendait, ses yeux s'inondaient de larmes.

 

Extrait de Hamoud Chaidi "Sans haine ni passion".



01/05/2010
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